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Etude de doc. 3. L’historien et les mémoires du régime de Vichy et de l’Occupation. 

Consigne : à partir de l’analyse du document montrez l’évolution des relations entre les travaux de l’historien et les différentes mémoires du régime de Vichy et de l’Occupation.

Document – Extraits issus de l’avant-propos de l’ouvrage, La France de Vichy 1940-1944, paru pour la première fois en 1973

À  l’automne  1960,  étudiant  à  Harvard,  j’arrivais  à  Paris  pour  entamer  ma  thèse d’histoire sur le corps des officiers dans la France de Vichy. Bien que seize ans seulement se soient écoulés depuis la Libération, je croyais naïvement qu’un historien pouvait étudier la France de l’Occupation avec la même liberté que la guerre de Sécession. […]

Il  a  suffi  d’une  visite  au  Service  historique  de  l’armée  de  terre  (château  de Vincennes), où je comptais consulter les archives de l’armée d’armistice (celle que Vichy avait été autorisé à conserver), pour que la réalité me rattrape brutalement. Les blessures de  l’Occupation  étaient  encore  si  douloureuses  que,  loin  de  stimuler  la  recherche historique,  elles  l’inhibaient  :  on  m’informa  que  les  archives  devaient  rester  closes cinquante ans. […]

J’ai  tout  de  même  réussi  à  trouver  des  archives  sur  la  question,  celles  des Allemands.  Quand  je  me  suis  plongé  dans  les  télégrammes  et  les  notes  envoyés quotidiennement à Berlin […], je me suis aperçu que les postulats que soutenait L’Histoire de Vichy de Robert Aron, l’ouvrage de référence dans ces années-là ne correspondaient pas à ce que j’étais en train de lire. […]

Henry  Rousso1   a  fort  bien  décrit  les  doutes  que  mon  livre  a  suscités  dans  une grande  partie  du  public  et  chez  quelques  universitaires.  Certains  esprits  l’ont  accueilli favorablement, soit qu’ils fussent déjà prédisposés à condamner Vichy, soit que 1968 les eût préparés à remettre en question les comportements des générations antérieures, soit que le film de Marcel Ophüls (1970) les eût sensibilisés aux complexités et aux ambiguïtés des années d’Occupation. Ceux qui l’ont rejeté étaient non seulement les apologistes2  de Vichy mais aussi une large fraction de l’opinion, qui sans être pétainiste, croyait ce que Pétain  avait  dit  à  son  procès  sur  son  appui  secret  aux  Alliés  et  sur  sa  stratégie  du « bouclier » pour protéger le peuple français du mieux qu’il le pouvait. 

Robert O. Paxton, La France de Vichy 1940-1944, nouvelle édition de 1999

1  Henry Rousso est un historien français, qui dirige l’Institut d’histoire du temps présent. Il est notamment l’auteur de l’ouvrage Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, 1987.

2 Personnes qui glorifiaient le régime de Vichy