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Comment le contexte de la guerre d’Algérie a-t-il influé sur la construction des mémoires de cet événement ? Comment l’historien peut-il écrire une histoire du conflit dans un contexte de mémoires concurrentes ?

La version augmentée de ce chapitre comporte

  • Le cours rédigé (intro + conclusion)
  • Des quiz : 60 questions.
  • Toutes les annales du bac pour les filières L, Es et S.
  • Sujets : 2 compositions ; 4 études de documents.
  • 1 lexique
  • 1 chronologie

1. Une image brouillée du conflit

Il y a environ 500.000 soldats français en Algérie. Ce sont des soldats professionnels (beaucoup de paras et d’anciens d’Indochine) auxquels s’ajoutent les 1,5 million d’appelés qui effectuent leur service militaire. Ils sont au contact des pieds noirs, de Harkis et des rebelles. Ces soldats sont amenés à l’occasion des permissions à revenir en France mais ne témoignent pas de ce qu’ils vivent sur place, ils ne parlent pas de la guerre, mais plutôt de leur vie quotidienne. La propagande présente les rebelles comme les « ennemis » et les colons comme les  » victimes » qu’il faut protéger. 

Avec l’usage de la torture, l’image de l’armée se brouille. La torture physique et psychologique est pratiquée par l’armée. Le 11 juin 1957, Maurice Audin, jeune professeur de mathématiques à Alger, membre du Parti communiste algérien, est arrêté par les parachutistes commandés par le général Massu. Emprisonné et torturé, il n’a jamais réapparu.Dès 1958, Henri Alleg témoigne de l’usage de la torture dans La Question. Mais la torture n’est pas reconnue par le gouvernement.

2. Des Français divisés

Journalistes et intellectuels sont engagés. Les journalistes sont là pour rapporter des faits et donner une certaine vision de la guerre. Les intellectuels participent aussi à la guerre d’Algérie. Avec la chanson de Boris Vian (Le déserteur) on la confirmation du contrôle de l’information par l’Etat qui exerce une censure sur les médias (journaux, radio, télévision…). Le 6 février 1960 paraît le manifeste des 121. Les signataires, souvent de gauche, dénoncent cette guerre et demandent la fin de celle-ci. D’autres font partie des « porteurs de valise », à l’image de R. Jeanson et de son réseau : ils apportent un soutien actif au FLN.

Le conflit algérien se radicalise. Du 24 janvier au 1er février 1960, c’est la semaine des Barricades à Alger. Certains s’opposent à ce que l’Algérie devienne indépendante. Le 21 avril 1961, 4 généraux fomentent un putsch pour garder l’Algérie française. De Gaulle réagit en dénonçant un coup d’Etat fait par un quarteron de généraux et s’adresse aux soldats en leur demandant de ne pas obéir à ce putsch. Durant l’année 1961, l’OAS (Organisation Armée Secrète) est créée avec pour objectif de maintenir l’Algérie française. Des attentats ont lieu en Algérie et en France métropolitaine pour faire pression sur les autorités. Le 8 février 1962, une manifestation à Paris est violemment réprimée : une dizaine de personnes sont tués au métro Charonne.

Les accords d’Évian du 18 mars 1962 mettent fin au conflit. Le 5 juillet, l’Algérie est proclamée, reste à tourner la page et écrire l’histoire de cette période.

1. La France veut tourner une page

L’armée quitte l’Algérie. C’est le sentiment de la défaite pour les militaires qui n’ont pas réussi à gagner, comme en Indochine. En France, la fin des années 1960 voit se mettre en place des associations d’anciens combattants, en même temps qu’une volonté d’oublier. Se construit la mémoire d’une défaite, des rancœurs accumulées envers un gouvernement qui n’a pas soutenu son armée.

Les civils sont pris entre la valise et le cercueil. Sur place, les collaborateurs et les harkis sont assassinés sans que l’armée puisse intervenir. Environ 900.000 personnes arrivent en France suite à l’indépendance. Ce sont principalement des pieds noirs qui fuient pour ne pas être massacrés. Se pose la question de l’accueil dans une France qui connaît une crise du logement. C’est la mémoire d’un paradis perdu…

2. L’Algérie construit une mémoire officielle

En Algérie, le FLN instrumentalise l’histoire. Le peuple s’est libéré par lui-même grâce au FLN (Front de Libération National).  Le travail des historiens est encadré par le ministère de l’Intérieur ! C’est la période de l’inauguration de monuments officiels en mémoire de cette guerre. Le cinéma est utilisé comme vecteur de propagande.  Le film  » la bataille d’Alger » (1966) de Pontecorvo dénonce le comportement de l’armée française et montre un peuple uni derrière le FLN. Mémoire d’un rejet et d’une victoire…

L’unité nationale se fissure. Dans les années 1980, les Berbères refusent l’arabisation mise en place par le FLN qui est au gouvernement. S’ensuit, le « printemps berbère » durement réprimé. D’autre part, la jeune génération n’a pas connu la guerre. Elle n’est pas sensible au discours officiel du FLN qui légitime son pouvoir par la lutte contre le colonisateur. En octobre 1988, le FLN autorise la création de partis politiques et l’organisation d’élections libres.

1. Mémoire critique en Algérie

La « décennie noire ». La victoire annoncée des islamistes aux élections de 1992 pousse l’armée à mettre fin au scrutin. Commence alors une guerre civile. Elle dure 10 ans et coute la vie à 150.000 personnes. Attentats, enlèvements et torture sont pratiqués. Ils rappellent les heures de la guerre d’Indépendance face à la France.

L’histoire officielle est remise en cause. Les massacres du MNA (Mouvement National Algérien) par le FLN reviennent sur le devant de la scène et remettent en cause l’histoire officielle. L’histoire d’une lutte contre le colonisateur ne tient plus. Lors de cette guerre, 10.000 personnes ont été massacrées par les deux camps (FLN et MNA). L’histoire algérienne est étudiée depuis la France par des historiens algériens et leurs travaux sont diffusés dans une presse de plus en plus libre.

2. En France, les mémoires sont en conflit

Les années 1980-90 marquent un tournant. Les jeunes « beurs » arrivés à l’âge adulte réclament une meilleure considération et une levée du tabou sur l’histoire coloniale. La guerre d’indépendance est exclue des thèses jusqu’en 1981 parce que considéré trop proche (temps) et relevant d’une approche plutôt journalistique. En 1983, la guerre d’Algérie entre dans les programmes du lycée et dans la mémoire nationale. Dix ans plus tard, les historiens présentent un premier bilan historiographique. D’une rive à l’autre on passe de la mémoire à l’histoire.

La France reconnaît la guerre et ses victimes. Avec les années qui passent, la guerre d’Algérie prend de la distance dans les mémoires et peut alors être abordée plus sereinement, même si cela ravive toujours des souvenirs difficiles. La loi de 1999 reconnait la guerre d’Algérie comme telle. 2000, reconnaissance de la torture en Algérie ; 2002, mémorial de la guerre d’Algérie ; 2007, création d’une journée d’hommage aux harkis. Le 5 décembre est déclaré le jour des combattants de l’Afrique du Nord. 

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