Comment les mémoires de la Seconde Guerre mondiale ont-elles évolué depuis 1945 ?
La version augmentée de ce chapitre comporte en plus
- Un cours complet (intro + conclusion)
- Des quiz : 40 questions.
- Toutes les annales du bac pour les filières L, Es et S.
- Sujets : 2 compositions ; 4 études de documents.
- 1 lexique
- 1 chronologie
1. Une fin de guerre douloureuse
La France, victime de la barbarie allemande. La mémoire des massacres perpétrés par les nazis reste très vive dans les esprits, au moment de la Libération. C’est le cas du massacre d’Oradour sur Glane en juin 1944 où toute la population a été massacrée par les Allemands. Parmi eux se trouvaient des Alsaciens-Lorrains enrôlés de force dans l’armée allemande. L’épuration est d’abord illégale avec des règlements de compte : exécutions sommaires, femmes tondues et promenées dans les rues… puis le gouvernement reprend les choses en main et instaure une épuration légale avec le procès de Pétain en 1945.
Le régime de Vichy est considéré comme une simple parenthèse. Elle est « nulle et non avenue » selon de Gaulle. Les principaux collaborateurs sont jugés ainsi que Pétain. Il est condamné à mort en 1945 mais gracié par de Gaulle en reconnaissance de soin action lors de la Première guerre mondiale. Dès 1946 des lois d’amnistie sont adoptées afin d’accélérer la réconciliation nationale. Trois autres suivront : 1947, 1951 et 1953.
La mémoire communiste construit l’image d’un parti résistant. En septembre 1939, le pacte de non-agression signé entre l’Allemagne et l’Urss place les communistes dans le camp des agresseurs. Le parti communiste est alors interdit. Des membres communistes entrent en résistance de manière individuelle, mais en 1941, le PCF se joint à la résistance suite à l’invasion de l’Urss par l’Allemagne. Pourchassés par les nazis et haïs par Vichy, les communistes payent un très lourd tribut. Le Parti communiste se présente comme « le parti des 75.000 fusillés ».
2. Le mythe de la résistance unanime.
Le génocide est occulté. Le sort des Juifs déportés avec la collaboration de l’Etat n’est pas abordé de manière spécifique. Pas de distinction entre camp de concentration, camp de travail et camp d’extermination. Les rescapés du génocide ne parlent pas de ce qu’ils ont vécu. De toute façon leurs voix sont inaudibles. L’ouvrage du déporté Primo Levi, Si c’est un homme est écrit en 1947 mais ne sera traduit en français que 40 ans plus tard !
Tous résistants ! Gaullistes et communistes affichent l’image d’une France unie toute entière tournée vers la résistance. L’historien français Henry Rousso parle de « résistancialisme ». Pour les gaullistes, le faible soutient populaire à Vichy permet de mettre en avant l’action du général. L’image du général de Gaulle est celle de l’homme providentiel. Au pouvoir, il célèbre régulièrement la résistance. En 1964, les cendres de Jean Moulin sont transférées au Panthéon.
Des lieux de mémoires entretiennent le souvenir de la résistance. Chateaubriand est un haut lieu de la mémoire résistante communiste.Le Mont Valérien à Suresnes est un haut lieu de la mémoire gaulliste. De nombreux résistants tombèrent sous les balles des pelotons d’exécution. Le Vercors garde en mémoire le maquis dans lequel se trouvaient 4.000 résistants qui sont tombés sous les balles allemandes. Le poids des Alliés dans la libération du pays est minimisé. L’aspect militaire de la résistance est mis en avant. Mais tout cela ne plait pas à tout le monde.
1. La monté des contestations.
Les générations nées après la guerre arrivent à l’âge adulte. Ces enfants du baby-boom n’ont connu le conflit qu’à travers ce qu’on leur en a raconté. Le cinéma joue un rôle important et lève des tabous sur la collaboration de Vichy avec les nazis. Le Chagrin et la Pitié (1969) de Marcel Ophüls est un documentaire qui remet en cause la vision d’une France unie et combattante. Le film a été censuré dans de nombreux cinémas et à la télévision. Lacombe Lucien (1974) de Louis Malle raconte l’histoire d’un jeune paysan qui entre dans la milice. Ces films remettent en cause le discours résistancialiste du pouvoir.
La politique mémorielle est partiale et ne plait pas à tous. Les soldats morts au combat pendant la bataille de France sont oubliés. Les Français réquisitionnés dans le cadre du STO ne sont pas pris en compte. Seule est mise en avant l’action de la résistance à travers les combats qu’elle a menés. Les critiques commencent à se faire entendre. En 1972, la grâce accordée à Paul Touvier passe mal. Les porteurs de mémoire oubliés par le discours officiel se groupent en associations. Ils font entendre leur voix auprès du grand public pour que l’Etat reconnaisse leur expérience.
Dans l’immédiat après-guerre le régime de Vichy n’est pas étudié. Les archives étant inaccessibles, les recherches portent sur l’histoire militaire et la résistance. En 1973, l’historien américain Robert Paxton sort un livre montrant l’ampleur de l’implication du régime de Vichy dans la collaboration. Il a eu accès aux archives françaises et allemandes. Son regard est neuf et détaché et son approche réduit à néant la thèse du « glaive et du bouclier ».
2. De nouvelles mémoires émergent.
Le génocide des Juifs est reconnu. L’Etat d’Israël organise en 1961 le procès du nazi Eichmann. Les associations de déportés juifs commencent alors à se faire entendre au cours des années 1960. Sous la conduite de Serge Klarsfeld et de sa femme, les enfants de déportés se constituent en associations au cours des années 1970. Ils traquent les collaborateurs et recensent les victimes du génocide ainsi que les Justes qui ont protégé les juifs durant la guerre. Le film Shoah de Claude Lanzmann sort en 1985. Il donne la parole aux déportés ainsi qu’à leurs bourreaux. Il fait prendre conscience de la particularité du génocide dans le conflit. Peu à peu la figure de la victime prend la place de celle du héros dans la mémoire collective.
Des procès condamnent les anciens responsables. Le procès de Klaus Barbie s’ouvre en 1987. Ce responsable de la Gestapo à Lyon a organisé de très nombreuses déportations. Il est à l’origine de la mort de Jean Moulin. René Bousquet, organisateur de la rafle du Vel’ d’Hiv (16 juillet 1942) est inculpé en 1991 mais assassiné en 1993 avant son procès. Paul Touvier ancien chef de la milice lyonnaise est le premier français condamné pour crime contre l’humanité en 1994. Maurice Papon est condamné en 1998 à 40 ans de prison. Secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, il s’occupait des « questions juives ».
L’Etat change de discours. En 1990, la loi Gayssot est adoptée. Elle réprime les thèses négationnistes. En 1995, le président J. Chirac reconnaît la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs. En 2007, le président Nicolas Sarkozy créé une journée nationale consacrée à la mémoire de la résistance. Le jeune résistant Guy Môquet, fusillé par les Allemands et mis à l’honneur. En 2006 le film Indigènes sort au cinéma. Il aborde la question des troupes coloniales qui ont combattus pour libérer la France. Longtemps oubliés, ces anciens combattants voient leurs pensions revalorisées sous la présidence de J. Chirac. Ces anciens combattants sont reconnus autant comme victimes (de l’ingratitude de la France) que comme héros.